
Les DRH en France vont être très occupé(e)s dans les mois à venir à préparer et à négocier des accords d’entreprise sur le télétravail.
A ce sujet, des experts de L’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) viennent de réaliser une étude très intéressante et approfondie des accords de travail et chartes d’entreprises signés en France entre les entreprises et les partenaires sociaux en 2020. Plus de 6000 textes mentionnant le Télétravail ont été signés pendant cette période.
Il en résulte de cette étude 10 recommandations pour les entreprises souhaitant mettre en place un accord de travail ou une charte d’entreprise sur le télétravail en 2021.
1.Prévoir des accords de télétravail adaptables: on constate rarement la bonne formule de télétravail, la bonne organisation et les bonnes pratiques managériales adaptées. En effet, la nature soudaine du mouvement en masse vers le télétravail en mars 2020 a laissé peu de temps aux entrerprises pour réfléchir sur la meilleure façon d’organiser et mettre en oeuvre le télétravail. Comme toute nouvelle organisation de travail se teste dans la durée, par conséquent, il est recommandé dans tout nouvel accord de définir un cadre ajustable avec les possibilités de revoir l’organisation mise en place avec les partenaires sociaux (Syndicats, CSE, etc.) et les salariés et de prévoir des bilans annuels pour pouvoir évaluer les forces et faiblesses de l’organisation de travail mise en place et les actions à mettre en eouvre pour l’améliorer. Intégrer la possibilité d’adapter tout nouveau mode d’organisation autour du tététravail dans un futur accord est ici le maître mot.
2. Bien identifier les Activités télétravaillables: Il n’est pas nécessaire qu’un métier ou une fonction soit entièrement télétravaillable pour qu’un salarié puisse bénéficier du télétravail. Certains postes de travail sont certes plus facilement télétravaillables que d’autres. Ceci étant dit, dans un souci d’équité de traitement, chaque poste de travail devrait être analysé pour identifier quelles activités peuvent être télétravaillables, notamment en mode dégradé en télétravail exceptionnel. Dans un esprit d’équité de traitement, il est important d’analyser dans le détail chaque poste avant de décider si tel ou tel poste est télétravailable ou non.
3. Privilégier l’apprentissage et les retours d’expérience sur une application rigide des règles: Le télétravail ne va pas de soi, d’autant plus que beaucoup de managers et salariés découvrent le télétravail pour la première fois dans des environnements peu habitués au travail à distance. Certains accords déjà signés prévoient des clauses de reversibilité qui donnent aux managers et aux collaborateurs la possibilité de mettre fin au télétravail après un délai de prévais. Compte tenu de la nouveauté du mode d’organisation en télétravail et la période d’apprentissage nécessairement plus ou moins longue avant d’arriver à un mode de fonctionnement plus ou moins efficace, il est recommandé de favoriser une dynamique d’apprentissage, le dialogue et le retour d’expérience entre les managers et les collaborateurs avant de prendre des décisions d’interrompre le télétravail pour un ou plusieurs collaborateurs. Le maître mot ici est apprentissage et retur d’expérience.

4. Privilégier des accords souples et des procédures de télétravail légers: le télétravail représente un bouleversement, voire une révolution par rapport à l’organisation du travail traditionnelle basée sur la présence du salarié dont le travail est contrôlé en direct par son manager. Certains managers pourraient être tentés d’insister sur des procédures administratives plus lourdes pour compenser un sentiment/perception de perte de contrôle directe de l’activité de leurs salariés.
Mais accroître ou alourdir les procédures administratives de contrôle serait chronophages et contreproductives et il est recommandé de privilégier plutôt des mesures de contrôles souples basées sur la confiance. En effet, le télétravail impose un changement de paradigme managérial où les méthodes “classiques” de contrôle sont remplacées par un rapport basé sur la confiance et la responsabilisation de chacun. Etant donné que le télétravail amène les collaborateurs à focaliser davantage sur les résultats et contribue à accélerer la réactivité des équipes, alourdir le télétravail par des procédures administratives accrues ferait perdre tous les avantages de ce mode d’organisation de travail. La souplesse, la flexibilité, la confiance et l’accompagnement sont ici les maîtres mots.
5. Envisager des alternatives en termes de lieux de travail/télétravail: Si le télétravail représente un avancé certain pour beaucoup de salariés, tel n’est pas le cas pour tous. En effet, tous les salariés ne disposent pas des conditions optimales pour pouvoir télétravailler (manque de place, manque d’équipements, appétence pour le télétravail, etc.). Par ailleurs, beaucoup de salariés, par ailleurs satisfaits de la possibilité de télétravailler, ont exprimé néanmoins un souhait de retourner au bureau au moins 1 ou 2 fois par semaine pour pouvoir retrouver le collectif et le lien social avec leurs collègues. C’est pourquoi il est recommandé d’envisager des formes d’organisation de travail hybride avec des périodes de travail en télétravail et des périodes au bureau. Ou de prévoir d’autres lieux de travail pour des télétravailleurs si le travail à domicile est exclu ou pas possible pour des raisons méterielles. Compte tenu de la grande diversité des cas, plus il y a de la flexibilité dans les solutions offertes aux salariés, plus on collera aux réalités des effectifs.
6. Anticiper les impacts sur les métiers et compétences au-delà des équipements et TIC: il est évident que le télétravail ne se résume pas à la mise à disposition d’équipements et de technologies facilitant le travail à distance. Le télétravail bouleverse l’organisation du travail, rompt avec l’unicité des lieux, du temps et de l’action, impacte les métiers et les compétences des collaborateurs et bouleverse les processus et procédures de travail qui risquent de ne plus correspondre à une réalité où les collaborateurs ne travaillent plus d’une manière synchrone dans un seul lieu. C’est pourquoi il est recommandé certes de former les collaborateurs à l’utilisation des différents outils de communication mais également une attention toute particulière doit être apportée aux impacts du télétravail sur les transformations des métiers, des compétences, des processus et procédures internes. Les maîtres mots ici sont “anticiper les impacts en mieux accompagnant les managers et les collaborateurs en développant leurs compétences”.
7. Veiller au Temps de travail et Charge de travail de chacun: Le temps de travail connecté ne dit pas grande chose du travail réel effectué par les salariés à distance. En effet, il faut bien plus de temps souvent pour préparer en amont certains sujets ou accéder aux informations pertinentes détenues par un autre collaborateur en télétravail que lorsque toute l’équipe était réunie au même moment au même bureau. Le rôle du manager devient encore plus important dans la régulation du temps de travail et dans la régulation de la charge de travail de chaque collaborateur. Chaque manager doit prévoir plus de moments d’échanges à la fois avec chaque collaborateur et avec l’équipe pour veiller au temps de travail de chacun et à la charge de travail de chacun.
8. Veiller aux risques de surconnexion: Tous les accords signés rappelent l’importance du respect des règles concernant le temps de travail et de repos quotidiens et hébdomadaires mais il est recommandé de ne pas se limiter aux seuls rappels de la législation. Il est donc recommandé de s’intéresser aux causes de tout dépassement (surcharge de travail, absence ou défaut de communication et de régulation, difficultés dans l’équipe, surconnexion numérique, déséquilibre présentiel/distanciel, etc. Le télétravail amène une grande flexibilité en termes d’organisation de travail qui distend les liens entre les collaborateurs et cette dispersion impose encore plus de contraintes sur les managers en termes de gestion, d’adaptabilité et d’écoute que lorsque tous les collaborateurs étaient réunis dans les mêmes locaux. Un manager doit par exemple challenger un collaborateur qui se connecte en dehors des heures de travail normales d’une manière régulière et/ou inconsidérée.

9. Anticiper pour mieux prévenir les risques: Selon l’étude ANACT, la prévention des risques liés au travail à distance reste un sujet peu développé dans les chartes et accords signés étudiés. Sur ce point, la collaboration de toutes les parties prenantes (managers, salariés, partenaires sociaux, médecine du travail, etc.) est encore plus importante et notamment dans le répérage des signaux faibles envoyés par des collaborateurs en difficulté. Des bilans et des revues réguliers impliquant le management, les CSE et/ou CSSCT, la médicine du travail semblent d’autant plus importants que le collectif de travail soit dispersé et moins en contact direct avec sa hiérarchie et collègues au jour le jour. Des enquêtes internes régulières ou annuelles associées à des plans d’action peuvent être un moyen de recueillir régulièrement les avis des collaborateurs et des managers sur les points forts et faibles du télétravail en place et de définir des pistes d’amélioration.
10. Accompagner et développer les managers de proximité: Déjà très sollicités dans un contexte de travail en présentiel, les managers de proximité sont sollicités encore davantage par des contextes où leurs équipes sont dispersés géographiquement en télétravail dans des formats plus ou moins hybrides et où ils sont parfois aussi mal outillés techniquement que leurs collaborateurs. De nouvelles connaissances et compétences sont nécessaires pour gérer les collaborateurs travaillant à distance d’une manière asynchrone. C’est pourquoi il est recommandé de soutenir et accompagner encore davantage les managers de proximité à la fois pour les mettre dans les meilleures conditions matérielles pour jouer leur rôle mais également pour qu’ils développent les compétences managérielles et les compétences émotionnelles nécessaires pour piloter leurs équipes à distance d’une manière efficace.
Des pistes de réflexions très utiles pour préparer les futurs accords avec les partenaires sociaux.
Decouvrez une synthèse de l’étude ANACT en téléchargeant le présentation ci-après.
Sur le même sujet du Télétravail, dans son introduction à l’ouvrage intitulé 10 clés pour préparer mon entreprise au travail à distance par Caroline del Torchio et Thibaud Brière, le Directeur Général du Groupe MAIF, Pascal Demurger décrit la politique MAIF en termes de télétravail de la manière suivante:
“Les collaborateurs ne sont plus placés dans un rôle d’exécutant de simples tâches ou de respect de procédures décidées en central, ils bénéficient de réelles marges de manoeuvre afin de résoudre, à leur niveau, les problèmes auquels ils sont confrontés. Une formule pourrait résumer cette articulation entre la manière dont on doit permettre au collaborateur de réveler tout son potentiel et la manière dont il peut alors mettre à profit ce potentiel pour son entreprise: rendre capable pour rendre possible“.
A mon sens, tout futur accord de télétravail doit avoir pour préoccupation essentielle de créer les conditions pour permettre aux managers de proximité de “rendre capable pour rendre possible” , conditions qui reposent sur un rapport de confiance entre managers et collaborateurs.
Découvrez l’ouvrage de Caroline del Torchio et de Thibaud Brière intitulé “10 clés pour préparer mon entreprise au travail à distance”. Une analyse très complète et complémentaire par rapport à l’étude ANACT.
